D’emblée une présence nous envahit. Le son mat, immémorial de la terre sourd, s‘élève. Des ondes multiples semblent agir, interférer avec le spectateur. Nous sommes là, comme à un carrefour où un artefact nous saisit.
Ces pierres, cette terre minéralisée, carbonisée, ces troncs dans leur immobile lenteur nous captivent là, sur place. Une force sereine émane de la rusticité harmonieuse des matériaux réunis.
Bernard Thimonnier met le volume, occupe l'espace sans nul conteste. Il a le génie d’assembler des matériaux qui pratiquement tous coexistent naturellement sur son territoire géographique existentiel. Il choisit la pierre de fer d’une carrière abandonnée, les troncs des ormes morts d’un parasite, la cire des abeilles qui disparaissent et l'argile. Bernard, dans son élan de constructeur, réunit ces matériaux, les sublime en y associant du plomb, une matière qu’il affectionne par son côté protecteur.
Il provoque la confrontation des matières. Cela engendre des ruptures de lumière. Il insuffle ses espoirs de vie et rejoint Francis Ponge : « Pas plus que d'expliquer le monde, il ne s'agit pas de le transformer, mais plutôt de le remettre en route, par fragments dans l’atelier ».
Ces œuvres nous font entrer à l'intérieur de nous-mêmes. Elles n’éparpillent pas l'être. Elles le concentrent tel un menhir qui perturbe l’horizon et venu du ciel. Elles nous parlent d’un temps d'avant les mots, de temps premier, plus fort que la technique et les fioritures. Ici nous retrouvons l’émotion primitive à poser une pierre sur une pierre, un caillou à la fourche de l'arbre.
De toute façon créer, c‘est se redresser, relever toujours ce qui penche en nous. Cette sobriété dans le choix des matériaux et cette condensation de formes simples conduisent à l’essentiel. Ses dernières déclinaisons d'assemblage où la base de la partie céramique épouse le sommet de la pierre, montrent son plaisir à réunir. Union, imbrication, l’addition des différences augmentent l‘épaisseur de la relation. Il en va de même pour les humains.
Sur les papiers, la cire solaire jouxte le noir profond de l'huile de vidange. Ce liquide minéral se propage longtemps après sa pose. Doit-on lire la diffusion de l’énergie du dessin ou la pollution latente que nous laissons à cette terre où meurent les abeilles ?
Les œuvres de Bernard Thimonnier racontent une certaine remise en ordre des choses, bien au-delà de la parole abondante. Il y a quelques années, le poète Eugène Guillevic écrivait ceci : « Tous ces frétillements que tu sens en toi, autour de toi, les ramasser, les rassembler avant qu'ils ne se perdent, en faire une sculpture qui défiera le temps ». Peut-être une façon de capter le sens des œuvres de Bernard Thimonnier. Ses sculptures concentrent l‘énergie et dilatent l'espace. Une prolongation incessante du son mat immémorial de la terre. — Bernard David
Repères biographiques
1981 Exposition Céramique française contemporaine - Sources et courants Musée des arts décoratifs, Paris Galerie Capazza, Nançay 1987-88-90 Salon MAC 2000 au Grand Palais, Paris 1989 Exposition à Ken’s Art Gallery à Florence - Italie Galerie Daniel Sarver, Paris 1993 Rencontre avec Christian Forestier et la galerie Askéo à Paris. 1998 Galerie Les Punxes, Barcelone 2004 Dédale, installation Château d’Eau, Bourges 2009 A Capella, Chapelle Saint-Jacques, Vendôme 2011 Chapelle Saint-Etienne, Beaugency 2017 Assemblages, Galerie Mercier & Associés, ParisCollections publiques
Centre national des arts plastiques (CNAP)
Musée Max Claudet, Salins-les-Bains
Fonds national d’art moderne et contemporain, Montluçon
Monuments Historiques, Le Mont-Saint-Michel
Les collections Denise et Michel Meynet Metissages, Musée des Beaux arts de Lyon
Réalisations monumentales
1985 Mur en céramique, Ville de Léré
1992 Sculpture, Ville de Gueugnon Porte en bronze, commande privée, Antibes
1998 Sculpture, siège social de la Fédération continentale (Groupe Generali), Paris
2010 Mégalithes Pastoraux, collège A.Meillet, Châteaumeillant
2012 L’Armoire à secret, Chemin des Arts, Saint-Aubin-Château-Neuf